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Paris, le 6 mars 2001 - numéro 2001-4
 
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  Menaces sérieuses pour l'avenir des agences on et off line  


Le ciel vient de s'assombrir brusquement le 28 février dernier lorsque, sans prévenir, Northwest Airlines et KLM ont annoncé qu'ils avaient décidé de supprimer les commissions de ventes aux agences on line et ce, dès le lendemain de cette annonce.

Cette décision, lourde de conséquences, intervient alors que la puissance des agences online devient de plus en plus importante dans la vente des billets d'avions.

Aujourd'hui, c'est en effet 42% de la totalité des billets d'avion vendus online, soit 3,6 milliards de dollars, qui sont vendus via les agences de voyage Internet.

Les compagnies aériennes s'inquiètent depuis longtemps de la présence de ces nouveaux intermédiaires Internet, ce qui les a incitées à lancer deux projets concurrents, hotwire.com, essentiellement pour les invendus, et orbitz.com qui devrait ouvrir cet été.

En attendant, nombre d'acteurs aériens multiplient les actions promotionnelles sur leurs propres sites. Ainsi Alaska Airlines et Horizon Airlines viennent d'annoncer que les internautes qui réserveront directement online, sur leurs sites respectifs, bénéficieront désormais d'une remise de 10% sur les prix affichés.

Le but de ces manœuvres, confirmé d'ailleurs par Delta Airlines (voir notre article dans le numéro 2001-2), est de pouvoir traiter directement avec le client final afin de réduire voire de supprimer les commissions.

Ajoutez à cela que les annonces de ralentissement de l'activité économique doivent certainement être de nature à inciter les compagnies aériennes à tenter de réduire leurs coûts par tous les moyens.

Cette décision de supprimer purement et simplement les commissions pour les agences online (pour les sites Web américains et canadiens) n'est donc pas pour moi une véritable surprise. Le seul élément étonnant concerne la date et la manière utilisée.

Non seulement je pense que Northwest Airlines et KLM sont partis trop tôt dans cette guerre mais de plus, la manière de faire, sans aucun préavis vis-à-vis des agences online, est particulièrement indélicate.

Cette affaire n'est en fait que l'illustration de la confrontation classique des distributeurs face à leurs fournisseurs.

Et si l'on étudie les tenants et aboutissant de la décision de Northwest et KLM sous cet angle, on ne peut qu'être inquiet non seulement pour les agences online mais aussi pour la profession touristique dans son ensemble, qu'elle soit off ou online.

Il est en effet certain que les compagnies aériennes, grâce au développement d'Internet, ont de plus en plus la tentation de distribuer par elles-mêmes la plus grande partie de leurs produits, et de contrôler ainsi totalement leur réseau de distribution.

La conséquence est simple. Que les agences de voyages soient off ou online, elles seront donc toutes un jour confrontées de la même façon à cette menace de suppression des commissions de la part des compagnies aériennes.

Certes, l'Europe n'est pas encore concernée par cette attitude. Mais il est aussi vrai que le marché de l'eTourisme est loin d'avoir atteint le taux de pénétration Internet Nord américain. De plus, la plupart des agences online européennes sont des émanations d'agences off line. Cela signifie que si les compagnies aériennes décidaient de s'attaquer aux agences online en Europe, elles seraient immédiatement confrontées à l'ensemble de leurs réseaux actuels de distribution.

Il est d'ailleurs à noter qu'il n'existe pas en Europe, de différentiation des tarifs des commissions comme cela existe aux États-Unis. Que vous soyez off ou online, le taux est identique et s'établit en moyenne à 7%.

Pour autant, je crains que cette accalmie ne soit que de courte durée.

Pour les distributeurs américains, cette décision de Northwest Airlines, quatrième transporteur aérien national, risque de sonner le glas pour tous les acteurs modestes on ou off line à moyenne échéance.

Certains analystes pensent en effet que, d'ici 18 mois, les commissions devraient également être supprimées aux États-Unis pour les agences de voyages traditionnelles, secteur pourtant déjà durement touché économiquement.

Il est malheureusement évident que, si cette décision de suppression des commissions est liée à une volonté de réduction des coûts face à la menace d'une récession économique, les agences de voyages traditionnelles ne pourront pas y échapper.

C'est d'ailleurs ce qui constitue le paradoxe de la décision de Northwest et de KLM puisque le montant des commissions servi aux agences Web est devenu tellement faible que l'on ne comprend que difficilement l'intérêt purement économique de cette attitude.

Une agence de voyage online touche aujourd'hui une commission de 5% sur les vols aériens (plafonnée à $10). Dans le même temps, les agences off line perçoivent des commissions pouvant aller jusqu'à $50. Le gain pour Northwest ou KLM en s'attaquant uniquement à la partie online de la distribution est donc des plus réduits. Comment penser à partir de là que la prochaine étape ne sera pas d'appliquer la même politique en direction des agences off line ?

En attendant, pour les agences online, le coup est plutôt dur et les investisseurs ne s'y sont pas trompés puisque le cours boursier de Travelocity a chuté de 33% en une seule journée à cette annonce de Northwest/KLM.

Heureusement pour Travelocity et Expedia, les revenus provenant aujourd'hui de la vente de billets d'avion ne représentent plus que 25% du total de leurs recettes.

Ayant depuis longtemps prévu ce type de scénario, ces sociétés ont accéléré depuis plusieurs mois le développement de leurs activités dans l'hôtellerie, les packages ou encore les croisières, secteurs dans lesquels les marges (15 à 20%) sont nettement plus confortables.

De plus, pour conforter leur assise dans ces autres compartiments touristiques, ces agences online se sont également transformées en producteurs en intégrant une partie de la chaîne touristique en interne.

La tentation pour ces distributeurs de devenir également producteurs va donc devenir de plus en plus forte. Ce phénomène se retrouve d'ailleurs en Europe avec des stratégies analogues de la part d'acteurs online comme eBookers ou encore Promovacances en France.

On voit bien, derrière cet événement, que c'est bien tout l'avenir d'une profession qui est en jeu et que la restructuration à grande échelle de ce métier est ici annoncée.

Changement de business models donc mais également concentrations intensives.

Comment en effet pouvoir espérer résister à cette offensive si l'on ne possède pas une taille suffisante ?

C'est d'ailleurs ici que se pose la validité du pari fait par Northwest et KLM.

 


Pour contrer cette perte de revenus, plusieurs stratégies sont envisageables de la part des agences online.

Travelocity a choisi de facturer $10 à ses clients s'ils réservaient sur l'une de ces compagnies mais d'autres scénarios plus destructeurs pour Northwest et KLM peuvent être envisagés.

Tout d'abord, certains sites choisiront peut être de supprimer purement et simplement l'offre de ces deux compagnies de leurs bases de données. Plus insidieusement, on peut également imaginer que ces vols ne soient proposés qu'en fin de liste dans les résultats de recherche de vols.

Enfin, et de façon encore plus efficace, une gestion intelligente des correspondances pour les vols importants permettra de substituer d'autres compagnies à Northwest et KLM dans les segments de vols intermédiaires et ce sans que l'internaute ne s'en rende compte.

Toutes ces répliques possibles restent toutefois totalement liées à l'attitude que pourront adopter dans les prochains jours ou semaines les autres compagnies aériennes.

Ou bien l'une des trois plus grosses compagnies aériennes prend le pas et décide de faire la même chose que Northwest et KLM, ou ces deux compagnies restent isolées et leur pari sera perdu.

Si l'on envisage le pire, à savoir une unanimité des compagnies aériennes pour suivre la décision de Northwest et KLM, la "casse" online sera évidemment considérable parmi les acteurs les plus modestes.

Par contre, du côté des acteurs plus importants comme Travelocity ou Expedia, le danger devrait s'avérer nettement moins important. Le risque majeur pour ces deux acteurs est en fait de retarder de quelques mois la possibilité d'atteindre de leur seuil de rentabilité. Pour autant, la première est filiale de Sabre et la seconde de Microsoft. On ne peut donc être véritablement inquiet pour elles.

Je pense aussi qu'il serait étonnant que les agences online restent sans riposter pas si ce scénario se produisait. Je pense en effet que cela conduirait inévitablement Travelocity et Expedia à s'associer pour présenter un front commun face à "l'agresseur" aérien.

La puissance réunie de ces deux acteurs pourrait alors bien obliger les compagnies aériennes à faire marche arrière.

Nous avons connu un cas analogue dernièrement avec Procter et Gamble jouant à un jeu similaire avec la grande distribution. Après 6 mois de "blocus", c'est Procter et Gamble qui a craqué et quasiment supplié la grande distribution de reprendre ses produits…

La propagation de l'attitude de Northwest Airlines et de KLM au reste des compagnies aériennes pourrait donc bien générer une alliance de même nature du côté des agences online et l'issue de ce type de confrontation resterait suffisamment incertaine pour que l'enjeu, $10 par billet d'avion vendu, n'en vaille pas la peine.

En effet, je ne pense pas que les compagnies aériennes puissent espérer rapidement que le projet Orbitz.com soit capable de contrer sérieusement des acteurs comme Travelocity ou Expedia avant plusieurs années. Le retard pris online à ce titre sera en effet très difficile à rattraper.

La seule bonne attitude pour les compagnies aériennes dans la bataille online consiste à mon sens dans une politique de prix Internet agressifs, couplée avec des eServices de grande qualité afin de créer une clientèle online fidèle. C'est ce que font nombre d'acteurs comme Alaska Airlines, ce qui leur permet d'avoir d'excellents taux de réservation sur le Web sans pour autant avoir à affronter directement leurs réseaux de distribution on ou off line.

Les agences on et off line savent en tout cas désormais à quoi s'en tenir quant à leur avenir et doivent de toute urgence accélérer les stratégies qui permettront d'éviter leur disparition.

Il faut d'ailleurs admettre que la valeur ajoutée pouvant être offerte à un client sur un simple billet d'avion ne peut être qu'assez limitée et que le véritable service différentiateur devrait s'appliquer à des produits plus complexes.

La vraie bataille de l'eTourisme devrait donc plus se jouer sur le terrain de la qualité du service rendu au consommateur, espérer gagner sur les seuls prix étant devenu encore plus hasardeux depuis cette décision de Northwest…

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Directeur de la Publication de ce Site Internet : Luc Carton